Les Contrade de Sienne

Les contrade de Sienne

Les contrade de la ville de Sienne, région de Toscane, Italie, constituent des regroupements culturels de quartiers médiévaux de la ville.

En italien, le mot est contrada, au pluriel contrade.

Elles sont aujourd’hui au nombre de dix-sept, et se situent le long des rues sinueuses de la vieille ville, à l’intérieur des murailles médiévales.

Les identités socio-culturelles des habitants de la ville qui font partie de ces contrade sont très fortes; s’y rattachent un blason d’héraldique propre à la contrada, des chansons et des hymnes, des codes de couleur qui les distinguent les unes des autres, et un syncrétisme religieux particulier, quoique restant d’obédience catholique.

L’article italien de cette encyclopédie permet de s’apercevoir du support associatif dont bénéficient ces institutions de la ville, qui ont traversé le temps depuis les levées de compagnies militaires et se sont peu à peu dotées de particularismes à la coloration très forte.

Origine historique

Les contrade correspondaient, à l’époque de Sienne cité-État rivale de Florence sur la Toscane, à des subdivisions de la ville dans lesquelles les soldats, par contrada, formaient un régiment différent lorsque l’armée siennoise partait en guerre.

À cette époque, les compagnies levées, liées aux quartiers de la ville, portant le nom de contrade, étaient au nombre de cinquante. Bien que Sienne ait gagné la Bataille de Montaperti, elle finit par perdre l’avantage contre Florence.

De plus, en 1348, elle fut ravagée par la peste noire, et ne parvint jamais plus à rivaliser avec Florence. La république de Sienne s’acheva au terme de la campagne militaire nommée « guerre de Sienne », menée par les Médicis de Florence en 1555, à l’issue de laquelle Sienne fut dominée telle une colonie par son ancienne rivale et interdite de lever une armée.

Les contrade perdirent leur statut militaire, devinrent culturelles et sociales pour leurs habitants, et se réduisirent au fil du temps jusqu’au nombre de dix-sept.

La subsistance des contrade dans la culture siennoise est donc une affaire qui tient au cœur de la population, qui revendique cette identité d’autant plus forte qu’elle les ramène à cette époque où la cité était libre de toute obédience extérieure.

Dix-sept contrade

On pourrait croire que les contrade ne prennent vie qu’à l’occasion du Palio de Sienne. C’est le point de vue d’un voyageur découvrant la ville. Du point de vue d’un habitant, il naît dans une des contrade si sa famille vit dans l’enceinte des murailles médiévales de la cité. Des animations l’attendent à tous les âges de sa vie (lire infra). Certes, la course du palio est le point culminant de cette relation intime pour chaque habitant, deux fois par an (le 2 juillet et le 16 août.)

À l’heure actuelle, Sienne compte 17 contrade, presque toutes portant un nom d’animal tutélaire. Leurs noms suivent en italien par ordre alphabétique :

Aquila (l’Aigle)
Bruco (la Chenille en guise de ver à soie)
Chiocciola (l’Escargot)
Civetta (la Chouette)
Drago (le Dragon)
Giraffa (la Girafe)
Istrice (le Porc-épic)
Leocorno (la Licorne)
Lupa (la Louve)
Nicchio (la Coquille)
Oca (l’Oie)
Onda (l’Onde)
Pantera (la Panthère)
Selva (la Forêt)
Tartuca (la Tortue)
Torre (la Tour)
Valdimontone (le Bélier)

Avant 1675, existaient également six autres contrade : le Chêne (la Quercia), la Vipère (la Vipera), l’Ours (l’Orso), le Lion (il Leone), le Coq (il Gallo) et le Glaive (la Spadaforte). Ces contrade furent disqualifiées pour leurs violences. Aujourd’hui éteintes, elles ont probablement été absorbées par les contrade restantes. Néanmoins, elles défilent toujours, aux côtés des autres, dans le traditionnel cortège de porte-drapeaux, de tambours et de sonneurs de trompe, qui précède la course.

Les trois qui ne portent pas de nom de l’animal tutélaire s’identifient tout de même, sur le blason, à des animaux :

Onde : un dauphin ;
Selva : un rhinocéros devant un arbre, figurant la forêt ;
Tour : un éléphant portant une tour de guerre (comme les éléphants de guerre indiens).

Relations entre les contrade
Celles-ci se résume à des liens de rivalités entre, par exemple :

La Civetta et le Leocorno
L’Istrice et la Lupa
La Chiocciola et la Tartuca (on remarque que le nom est tartuca et non tartaruga qui est le vrai mot pour dire tortue en italien)
Le Nicchio et le Valdimontone (ou plus couramment Montone)
La Pantera et l’Aquila
L’Oca et La Torre
L’Onda et La Torre

Seul quatre contrade n’ont pas d’ennemis :

La Selva (forêt représentée avec un rhinocéros)
Le Drago
La Giraffa
Le Bruco

Éléments distinctifs

Chaque contrada dispose d’éléments qui la distingue des autres contrade.

  • un animal tutélaire
  • deux ou trois couleurs distinctives
  • un motif sur le blason
  • le terzo dans lequel se trouve le quartier de la contrada
  • une devise de rattachement (motto)
  • un numéro cabalistique
  • une dénomination complète datant de l’époque des compagnies militaires (ex: Contrada Capitana dell’Onda pour la « contrada de l’Onde »).
  • un hymne (chanté par les contradaioli à chaque manifestation)
  • une corporation (Arte) de référence
  • une ou plusieurs compagnie(s) militaire(s) levées par contrada (au plus trois) ; avant que Sienne ne soit vaincue par Florence
  • un saint patron parmi le calendrier chrétien, à laquelle elle se dédie
  • une date de fête de la contrada, correspondant au saint patron.
  • une chapelle dans laquelle le fantino (jockey) et son cheval sont bénis avant la course
  • une fontaine (fonte) principale
  • une ou plusieurs contrade alliées pendant le Palio
  • une contrada adverse
    • note: il ne s’agit pas d’une inimitié mais d’une rivalité due au palio ; ces alliances et rivalités jouent énormément dans les tractations entre cavaliers avant la course.
  • un musée (contenant les palii (banderoles prix de la course) gagnés et divers objets en lien avec le palio notamment)
  • une société (pris au sens club social avec bar, salle des fêtes et salle d’activités)
  • un siège social (ces trois entités pouvant être situées en un même lieu)
La vie sociale d’un habitant de Sienne

Un habitant qui est né dans une des rues de la vieille ville se rapportant à l’une des contrade va bénéficier toute sa vie de la possibilité de soutenir son quartier. Il est baptisé par le prieur de sa contrade, en grandissant il peut jouer dans la salle des fêtes à l’occasion de la fête de la contrade. Adulte, il est supporter au palio (on raconte que les couples se défont pour le temps de la course lorsque chacun fait partie d’une contrade participante différente, tant les enjeux sont importants pour les supporters). On trouve des membres, une fois âgés, peindre dans les arrière-cour les lampions aux couleur de la contrade qui vont décorer les rues du quartier à l’occasion de la prochaine fête patronale.

Comme cette identité appartient aux habitants, pour ne pas la dénaturer ils n’en font pas la promotion à l’extérieur. Le bureau d’information touristique a très peu d’informations sur les adresses des sièges situés en ville. De sorte qu’un touriste peut très bien passer dans la rue principale d’une contrade et ne pas s’apercevoir du particularisme.

Les contrades et le palio

Les « contradaioli » sont les supporters de leur contrade. Chacun porte un nom se rapportant à la contrada. Par exemple, les supporters de l’Onda sont les Ondaioli. Ils se servent de foulards aux couleurs de la contrada et viennent vêtus tels des supporters de football au Palio. Les foulards sont ceux qui sont vendus par l’économat au siège de la contrada (en général adossé au musée et à la chapelle), en soie ou bemberg coloré sur chaque face, et non les pâles copies qui figurent dans les boutiques à destination des touristes : les contradaioli les considèrent “bruttini” compte tenu de leur degré de finition.